Claviers en Partage : Valérie Balssa et Ilton Wjuniski à Ivry-sur-Seine

le samedi 16 novembre 2019 à 18h, à Ivry-sur-Seine

Claviers en Partage

Valérie Balssa, flûte traversière baroque

Ilton Wjuniski, clavicorde

Douce extravagance

  • Il faut que les passions soient fortes ; la tendresse du musicien et du poète lyrique doit être extrême (…) Il nous faut des exclamations, des interjections, des suspensions, des interruptions, des affirmations, des négations ; nous appelons, nous invoquons, nous crions, nous gémissons, nous pleurons, nous rions franchement
     ( Denis Diderot, « le neveu de Rameau » , entre 1762-73)

Ces œuvres sentimentales et éloquentes, appartiennent sans aucun doute à ce courant littéraire et musical nommé empfindsamkeit (sensibilité en allemand). C’est un mouvement préclassique qui se développe essentiellement en Allemagne du nord ( Berlin, Hambourg, Bayreuth), en réaction au rationalisme de l’aufklärung (les lumières germaniques), de 1740 à 1760 environ.
Les musiques, mouvements lents surtout, suggèrent des changements brusques d’états d’âme par le moyen des contrastes rythmiques et harmoniques, l’utilisation de dynamiques extrêmes et des silences, qui viennent interrompre brutalement le cours d’une phrase, afin de nous jeter sans ménagement d’une pensée à une autre ou d’un sentiment à un autre.

Le clavicorde, instrument encore peu entendu de nos jours, est doué d’une souplesse et de capacités expressives étonnantes que ne possède pas le clavecin généralement utilisé dans ce genre de sonates. De plus, sa douceur presque excessive, s’associe parfaitement à celle de la flûte traversière baroque dont on peut entendre précisément toutes les subtilités.

Un voyage envoutant au cœur des sentiments, invitant le public au plaisir d’une écoute attentive.

programme

Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788)
Sonate en sol Majeur
Adagio ; allegro, vivace

Johann Christoph Friedrich Bach (1732-1795)
Sonate I en ré mineur für das clavier mit Begleitung einer flöte
Allegretto ; andante ; allegro

Johann Philipp Kirnberger (1721-1783)
Sonate en sol mineur
Adagio, allegro, allegretto

Friedrich Wilhelm Rust (1739 –1796)
Sonata con variate repetizioni, en fa majeur (Cz. 18) 
Moderato ; adagio ; presto

Franz Benda (1709-1786)
Sonate en mi min (1756)
Largo, ma un poco andante ; Arioso, un poco allegro, presto

Carl Philipp Emanuel Bach, filleul de Telemann et son successeur à Hambourg, a été pendant vingt ans au service du roi de Prusse à Berlin. Son talent de pédagogue dépasse les frontières de l’Allemagne, notemment grâce à son essai sur la véritable manière de jouer les instruments à clavier. est sans aucun doute le meilleur représentant de l’empfidsamkeit : Un musicien ne peut émouvoir les autres que s’il est lui-même ému : il est indispensable qu’il éprouve tous les états d’âme qu’il veut susciter chez les auditeurs écrit- il dans son essai en 1753.

Johann Christoph Friedrich Bach est un contemporain de Joseph Haydn. A la fin de 1749, il fut engagé à la cour du comte de Schaumburg-Lippe, à Bückeburg, en Westphalie.
à ses débuts, il eut à se plier largement aux goûts d’un employeur qui ne jurait que par la musique italienne. Par la suite, et surtout après la mort du comte Wilhelm, il put s’ouvrir à d’autres styles et mettre à l’honneur la musique allemande, et sa propre production, vouée principalement à la musique instrumentale à partir de 1780, fut nettement marquée de l’influence de son frère Jean-Chrétien Bach.
Son unique fils, Friedrich Ernst (1759-1845) eut le privilège de vivre longtemps, et ainsi d’être le seul membre de la famille des Bach à vivre véritablement la « redécouverte » de Jean-Sébastien Bach
Les six sonates pour clavier avec accompagnement de flûte ou violon ont été publiées en 1777. C’est une musique plus sensible que savante, avec en particulier des mouvements lents d’une belle poésie, et une écriture assez moderne. 

Johann Philipp Kirnberger est violoniste claveciniste et organiste. Il étudie la composition avec J.S.Bach à Leipzig de 1739 à 1741. Jusqu’en 1751, Il est au service de nobles en tant que maître de chapelle ou claveciniste, puis le Roi Frederik II de Prusse l’engage comme violoniste et conseillé musical à la cour de Postdam, il enseigne également la composition auprès de la princesse Anne-Amélie de Prusse. Il est très estimé à la fois en tant que professeur, compositeur et théoricien.

À partir de 1762, ayant achevé ses études de droit, Friedrich Wilhelm Rust obtient une bourse de Léopold d’Anhalt-Dessau pour étudier la musique à Berlin et Potsdam avec Charles Hoeck, Franz Benda pour le violon et Carl Philipp Emanuel Bach pour le clavier, et décide à ce moment de se consacrer entièrement à la musique.
En 1766 et 1767, il accompagne le prince Leopold Friedrich Franz d’Anhalt-Dessau au cours d’un voyage en Italie, où il se perfectionne chez Giuseppe Tartini et fait la connaissance de Pietro Nardini (un élève du précédent) et le Padre Martini. Il succède à Johann Friedrich Fasch, chef de la musique de la cour et du théâtre à Dessau.
Après la publication des douze sonates par son petit fils en 1891, c’est Vincent d’Indy qui participa à redécouvrir Rust en 1913, le qualifiant d’inspirateur de Beethoven et chaînon manquant entre Mozart et le maître de Bonn

En 1733, F. Benda entre au service du prince héritier de Prusse, qui deviendra le futur Frédéric II, dit Frédéric le Grand, roi de Prusse. Ce dernier s’entoure de musiciens qui donneront naissance à l’école de Berlin dont le style mi-galant, mi-sentimental – ce dernier mettant l’accent sur le mouvement lent des œuvres- a contribué à construire le style classique après l’école préclassique de Vienne et aux côtés de l’École de Mannheim, même si un goût prononcé pour le contrepoint apparente encore certaines œuvres de J.J.Quantz, des frères Graun et de Benda à la musique baroque

Valérie Balssa

Diplômée du conservatoire national supérieur de musique de Lyon en flûte traversière et du conservatoire Royal de Bruxelles pour la flûte ancienne, elle enseigne la flûte traversière baroque, la musique de chambre et l’ornementation au conservatoire à rayonnement régional de Boulogne Billancourt et au conservatoire départemental d’Orsay.
Elle a joué et enregistré avec des ensembles prestigieux comme les arts florissants (W.Christie), les musiciens du louvre (M.Minkovsky) l’ensemble Mattheus (J.C.Spinosi) et l’ensemble Akadêmia (Françoise Lasserre). Elle fait partie actuellement de l’orchestre la chapelle Rhénane (B.Haller), l’ensemble Sébastien de Brossard ( Fabien Armangaud), l’ensemble a deux fleustes esgales avec le flûtiste Jean-Pierre Pinet, et l’ensemble Messin les discours enchantés (Vincent Bernhardt).
Elle a enregistré de nombreux CD de musique de chambre, en France (Zig Zag Territoires) et en Italie (Nuova Era et giulia) , et vient d’enregistrer avec son ensemble Tic Toc Choc et ses partenaires Michèle Dévérité (clavecin), Emmanuel Balssa(viole de gambe), Miguel Henry (théorbe) et Jean-Pierre Nicolas(flûte à bec), des suites pour flûte et en trio de Michel de la Barre pour le tout nouveau label Incises ( Unik Access, sortie printemps 2020)

Ilton Wjuniski

Né au Brésil en 1960 et établi en France depuis 1978, Ilton Wjuniski a terminé ses études au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris avec quatre Premiers Prix et des recherches en musicologie.il a également reçu les récompenses les plus élevées aux concours internationaux de Paris, Édimbourg et New York (« Pro Musicis Sponsorship Award »).

Sa carrière l’a amené dans plusieurs pays d’Europe (Italie, Espagne, Portugal, Royaume-Uni, Allemagne, République Tchèque, Norvège, Russie, Arménie...) ainsi qu’aux Etats-Unis, Canada, Japon, Hong-Kong et en Amérique Latine.
Fondateur de l’ensemble « Contrasts en Allemagne, du Trio Orphéus à Paris et d’un duo spécialisé sur la musique de la Renaissance avec le luthiste Jacob Heringman en Angleterre. Il est professeur titulaire aux Conservatoires de la Ville de Paris.
Ilton Wjuniski est considéré comme l’un des spécialistes mondiaux du clavicorde et de la musique ibérique sur instruments historiques.
Sa discographie comprend plusieurs compact-disques avec le flûtiste Michael Faust, ainsi que de nombreux enregistrements en solo, dont l’intégrale des Suites Françaises de Bach au clavecin et au clavicorde. Son dernier disque, un triple CD sorti en mars 2017, contient douze sonates inédites de Friedrich Wilhelm Rust jouées sur le clavicorde historique de C. G. Sauer à la « Haendel-Haus » de Halle. Il a également enregistré un hommage à Wanda Landowska sur le clavecin Pleyel du Musée des Instruments de Musique de Berlin.

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