Décès d’Huguette Dreyfus

Une grande figure du clavecin français vient de nous quitter : Huguette Dreyfus , membre d’ honneur de l’association Clavecin en France, s’est éteinte le 16 mai 2016 à l’âge de 87 ans. Cette grande musicienne a guidé, notamment au CNSM de Lyon, plusieurs générations de clavecinistes.

Elle a participé à la renaissance du clavecin et a marqué le paysage de la musique ancienne par son jeu, ses nombreux enregistrements et ses recherches constantes.

Le CA de Clavecin en France s’associe à la peine de sa famille et de ses proches.

Clavecin en France propose un Livre d’or, ouvert à tous, en hommage à son talent, sa joie de vivre, son humour, son humanité. [1]

Le CA de Clavecin en France

Journées 2010 : rencontre avec Huguette Dreyfus
Photo : Laure Morabito

Françoise Lengellé

Figure tutélaire pour tant de clavecinistes, échanges et relations empreintes de respect et d’admiration, puis ce compagnonnage si fructueux à LYON, grâce à vous,votre humour et vos saines colères,toujours suivies d’effets....
Comment résumer toutes ces années, chère Huguette, d’affectueuse amitié,si ce n’est en vous disant MERCI.
Merci d’avoir toujours été vous même,sans concession, pour nous tous....et jusqu’au bout.

Françoise Lengellé

Photo : Laure Morabito

Catherine Zimmer

Beaucoup de clavecinistes ont reçu l’enseignement d’ Huguette Dreyfus. Je n’ai pas eu cette chance étant venue au clavecin trop tard, mais vous livre pourtant ce témoignage pour montrer ce qu’elle pouvait apporter dans une vie en un seul jour par sa force et sa détermination : étant jury de mon DEM de clavecin à Aix -en -Provence en1996, à une époque où, pianiste accompagnatrice au CNR et à l’opéra de Marseille je pratiquais le clavecin en « complément » , comme un jardin secret à côté de ce métier, elle a changé le cours de ma vie en une phrase : « Vous avez une main de fer dans un gant de velours, c’est rare, il faut absolument arrêter tout cela pour affiner ce toucher ». Sans cet avis, (presque un ordre !) dans lequel j’ai eu grande confiance, je n’aurais peut-être pas eu le courage de prendre ce tournant décisif et d’abandonner la part de ma vie professionnelle qui me faisait alors manger mais ne me nourrissait plus !

Catherine Zimmer

Martial Morand

au CNSMD de Lyon

J’ai toujours eu de la chance. L’année de mes dix-sept ans par exemple. Je terminais mes études de clavecin au conservatoire d’Annecy et n’étais guère tenté de les poursuivre à Genève ou Paris. Or, juste à cet instant, une classe de clavecin s’ouvrait au Conservatoire Supérieur de Lyon, offrant le professeur idéal : Madame Huguette Dreyfus.

Pour faire sa connaissance et recueillir son avis sur l’opportunité de m’orienter vers le métier de claveciniste, je m’inscris aussitôt à un stage, terriblement impressionné à l’idée de rencontrer la grande Dame, interprète reconnue internationalement et professeur si réputé que tous les clavecinistes connus à l’époque avaient étudié avec elle.

A mon grand soulagement je ne suis pas le premier à lui jouer quelque chose. Mais quand arrive mon tour, je ne tremble plus. Comme tous les autres, je souris. Huguette Dreyfus diffuse avant tout sa bonne humeur, son incroyable énergie, sa chaleur humaine. Elle masse les épaules d’un élève trop tendu, lui remuant le dos pendant qu’il joue, le malmenant jusqu’à déstabiliser ses mains sur le clavier, jusqu’à ce qu’il rie enfin lui aussi. En quelques secondes nos carapaces, nos raideurs s’envolent.

Quelques temps plus tard, j’ai cette merveilleuse chance d’appartenir à la nouvelle classe lyonnaise. On vouvoie le professeur mais on l’appelle par son prénom. Pas de chichis mais un respect authentique, comme celui que prodigue l’amitié.

Les locaux sont provisoires, vétustes, exigus. On commence par acheter une plante verte, tous ensemble, qu’on porte triomphalement jusqu’au premier étage. C’est un lieu où l’on accrochera quelques guirlandes à Noël, où l’on tirera les rois. Où notre professeur, après une tournée au Japon, se mettra à genou devant le clavecin pour nous montrer la cérémonie du thé.

Ce décor étant posé, quelle exigence ! De sa voix claire elle nous poussera toujours plus loin, avec cette autorité naturelle qui, j’y songe maintenant, reposait sur une implacable confiance en l’autre.

Quelle intelligence, aussi ! En ce début des années 1980 la manière de jouer du clavecin et d’appréhender le répertoire viennent de changer radicalement. On parle d’une « nouvelle génération du clavecin ». Jamais elle ne nous demandera de jouer à sa manière, ce qu’elle attend c’est une interprétation convaincante, cohérente, sans faiblesse technique.

Si deux options se présentent pour l’interprète il faut qu’il sache habilement réaliser les deux, avant d’opter pour l’une ou l’autre. « Remplissez vos tiroirs », dit-elle ! Il ne faut pas se contenter de choisir, par défaut, l’interprétation qu’on réussit le plus facilement. « Si vous ouvrez les tiroirs d’une commode pour choisir un objet, et qu’un seul de ces tiroirs en contient un, vous ne faites aucun choix en réalité ! »

Coté public j’ai le souvenir d’un grand concert dans une grande salle, dans une grande ville. Un orchestre morne nous livre une musique contemporaine particulièrement hermétique. Concert mondain. Interminable. Je tiens parce qu’en fin de programme, j’attends le Concerto pour clavecin de Poulenc.
Quand Huguette fait son entrée, d’un coup toute la salle se réveille. Robe moirée, escarpins argents à la mode de la décennie précédente, maquillage inspiré de celui des danseuses de l’Opéra, elle dit quelques mots avec ses intonations de cristal. Un port altier, une présence qui, immédiatement, investit toute la salle jusqu’aux derniers bancs du dernier balcon. Puis elle joue, initiatrice d’un rayonnement qui, certes, ne s’est pas éteint dans la nuit du 16 mai 2016...

Martial Morand

Frank Mento

A Huguette Dreyfus

Huguette Dreyfus est la meilleure professeure que je n’ai jamais eue.

Le 16 mai 2016, cette grande dame du clavecin est décédée et c’est pourquoi je désire lui rendre hommage ici.
C’est Huguette Dreyfus qui m’a fait comprendre le clavecin, un instrument que je maîtrisais mal. Elle m’a montré comment le faire chanter. Avec Huguette Dreyfus, tout était simple ; un simple geste de sa part suffisait et l’empathie était établie entre professeur et élève.

Je n’ai qu’un seul regret ; c’est de ne pas l’avoir connue plus tôt dans ma vie.
Un jour nous nous reverrons.

Frank Mento

Olivier Papillon

c’était pour ses 80 ans, la pétillante dame était contente de l’hommage que lui rendait clavecin en france....elle est partie hier jouer avec les anges et rencontrer tous ces musiciens qu’elle aimait passionnément ; je me sens un peu orphelin et responsable de tout ce que je peux transmettre à mes élèves pour qu’à leur tour....
juste une phrase d’elle , la première fois ou j’ai joué devant elle (je l’avais connue à la fac ou elle animait un cours de basse continue) : il faudra vous exprimer, sinon vous allez vous étouffer....
au revoir Huguette !

Olivier Papillon

lton Wjuniski

En 1973, alors que je débutais l’étude du clavecin au Séminaires de musique « pro arte » de Sao Paulo, j’ai accompagné mes parents dans un supermarché. C’est là que j’ai trouvé par hasard, au milieu d’un grand rayon de disques, l’enregistrement des 6 sonates attribuées à Vivaldi, « il Pastor Fido », par un grand ensemble instrumental qui incluait, entre autres, Hans Martin Linde à la flûte traversière et à la flûte à bec, Eduard Melkus au violon… et une certaine claveciniste dont jusqu’à ce jour je n’avais jamais entendu parler, Huguette Dreyfus. Je ne pouvais pas savoir que ce serait mon premier contact avec quelqu’un dont l’influence se révélerait plus que décisive dans ma vie, au point de guider mes choix professionnels et de m’amener à m’installer en France.

Si je cherchais à l’époque avec autant de passion des disques, partitions et tous documents imaginables sur le clavecin et son répertoire c’était parce que j’étais déjà totalement conquis par cet instrument, sa sonorité et ses capacités expressives. Cet intérêt pour le clavecin était apparu quand Maria Helena Silveira m’avait demandé de jouer, les inventions et symphonies de JS Bach pour l’examen d’entrée à son cours de piano à l’institut Pro Arte de Sao Paulo. Elle m’avait alors tout de suite conseillé de commencer l’étude du clavecin avec elle, comme si elle avait prévu ce qui m’arriverait ensuite. A l’époque j’écoutais en boucle mon seul disque de clavecin, une sélection de Sonates de Domenico Scarlatti par Egida Giordani Sartori, dans une série de disque sur les grands compositeurs qui se vendait, au rythme d’un disque par semaine, dans les kiosques à journaux. J’avais aussi cherché en vain des clavecins chez des marchands de piano dans l’espoir d’approcher, de pouvoir toucher, cet instrument.

L’adolescent de 13 ans que j’étais et qui jusque-là avait étudié le piano avec l’énergie et la constance d’un adolescent (énergie parfois paresseuse et constance intermittente), courait dès le lendemain matin à Pro Arte pour voir et entendre le clavecin.

Les deux années suivantes ont été celles de la découverte et de l’apprentissage de cet instrument. Deux années pleines de curiosité et d’exploration de la musique ancienne, pendant lesquelles je n’aurais manqué pour rien au monde un concert de clavecin.

D’octobre à décembre 1975 a eu lieu le « Cours–Festival » d’interprétation du clavecin au MASP (musée d’art de Sao Paulo). MH Silveira avait été invitée à être une des professeurs du cours, aux côtés d’Helena Jank et de Felipe Silvestre. Je me souviens de l’enthousiasme de MH Silveira quand elle m’a parlé des concerts programmés, de la commande pour cette occasion d’œuvres originales pour clavecin seul à Souza Lima, Osvaldo Lacerda et Almeida Prado et surtout de la venue à Sao Paulo d’Huguette Dreyfus, pour donner sur tout le mois d’octobre des cours intensifs et des récitals.

Le professionnalisme et l’expérience pédagogique d’Huguette Dreyfus étaient évidents dès le choix du répertoire donné aux étudiants : les 30 Inventions et Symphonies de J.S. Bach, la lecture de « L »Art de toucher le clavecin" de F. Couperin et l’étude détaillée des huit Préludes de ce traité. Il y avait aussi le second livre de pièces pour clavecin de Couperin, chaque étudiant devant choisir un Ordre différent, et l’œuvre intégrale de J.P. Rameau.

Huguette Dreyfus a marqué à jamais tous ceux qui ont eu l’honneur d’être ses élèves par la pertinence de ses commentaires et critiques, toujours constructifs et visant toujours au progrès de l’élève, mais aussi par un art véritable de la pédagogie de la musique : Huguette amène l’élève à trouver par lui-même la résolution des problèmes techniques, en évitant même de signaler ces problèmes aux élèves, préférant les laisser prendre conscience eux-mêmes du travail qui doit être entrepris. La profondeur de cet engagement didactique était telle qu’elle dépassait le répertoire du XVIII siècle choisi pour le cours du MASP pour atteindre la quintessence de ce qu’un claveciniste doit savoir interpréter et s’applique à tout notre répertoire, depuis Virginalistes ( ?) anglais, puis, en passant par Frescobaldi, Froberger, Louis Couperin, en continuant par les pré-classiques, par Haydn et Mozart jusqu’aux œuvres pour clavecin du XXe siècle.

Mais dès 1976, juste après ce Cours-Festival et sa programmation si riche et si variée, s’est posée aux clavecinistes brésiliens la question : comment continuer ? Une des réponses a été apportée par le Cours-Festival lui-même puisque ces statuts prévoyaient que le Secrétariat à la Culture de l’Etat de Sao Paulo choisirait, parmi les élèves ui y auraient participé, trois boursiers qui iraient étudier avec Huguette Dreyfus à Paris. Les trois élèves sélectionnés ont été Maria de Lourdes Cutolo, Maria José Carrasqueira et moi.

C’est ainsi que j’arrivai à Paris en septembre 1978, après le bac. J’ai suivi les cours d’Huguette Dreyfus pendant l’année scolaire 1978/1979 dans la classe du niveau « préparatoire-supérieur », du conservatoire de Bobigny ce qui m’a permis d’entrer l’année suivante au CNSM de Paris.

Pendant 7 ans, jusqu’en 1985, j’ai suivi des cours avec Huguette Dreyfus pratiquement toutes les semaines, abordant non seulement le répertoire pour clavecin solo mais aussi des concertos pour clavecin et orchestre et de la musique de chambre avec clavecin obligé. Durant les années suivantes j’ai été invité par Huguette pour faire partie de jury d’examens de ses élèves, d’abord à la Schola Cantorum de Paris, puis au conservatoire régional de Rueil-Malmaison où elle enseignait alors en même temps qu’au CNSM de Lyon.

Quand le poste de professeur de clavecin au conservatoire de Bobigny a été vacant, c’est sur la recommandation d’Huguette que j’y ai exercé comme professeur de clavecin et de basse continue, en m’efforçant d’apporter aux élèves un enseignement qui fût digne de celui que j’avais reçu d’elle dans cet établissement. J’ai ensuite quitté ce conservatoire pour le conservatoire Claude Debussy du 17e arrondissement de la ville de Paris, où j’enseigne encore.

Huguette Dreyfus a accompagné ma carrière comme professeur et m’a aidé de ces conseils, que ce soit informellement ou comme membre de jurys pour mes élèves de clavecin, de basse continue et de musique de chambre baroque ou de la Renaissance. Elle m’a aussi encouragé et appuyé quand j’ai monté le premier cursus de clavicorde.

J’ai pu ainsi mesurer le développement, à travers le temps, de la pensée musicale et pédagogique d’Huguette Dreyfus. La sûreté de son jugement s’est enrichi d’une compréhension toujours plus grande de la dimension humaine, conjuguant les aspects techniques, psychologiques et émotionnels qui sont toujours liés dans une interprétation. Elle a toujours conservé la rapidité et la précision de son analyse, la finesse de sa perception. Lors d’un examen, la présence d’Huguette Dreyfus était gage, non seulement de la justesse des décisions, mais surtout d’une leçon d’un grand prix, tant pour le professeur que pour les élèves, qui trouvaient dans ses critiques un moyen sûr de progresser.

De 2000 à 2003, avec l’appui de la fondation VITAE et de la fondation Magda Tagliaferro, j’ai eu l’occasion de développer à l’école Magda Tagliaferro de São Paulo un cours de clavecin, basse continue et musique de chambre, sur le modèle de ce que j’avais connu à Paris. C’était pour moi un moyen de transmettre ce que j’avais reçu. Les élèves venaient de tout le Brésil et du Paraguay.
Le modèle sur lequel je me suis basé, et que j’ai essayé autant que possible de reproduire est le Cours-Festival d’interprétation du clavecin du MASP de 1975. C’était pour moi une manière d’apporter à une nouvelle génération de brésiliens la possibilité d’entreprendre des études de clavecin. Je savais, connaissant Huguette, que le meilleur moyen de la remercier de ce qu’elle m’avait apporté, c’était de poursuivre à mon niveau son œuvre de transmission.

lton Wjuniski, 27/10/13

Florence Monzani

Une rencontre brève mais marquante...
Une semaine de stage dans un lieu magique, dans le sud de la France...
Souvenir de magnifiques moments de musique et d’humanité sur ce superbe clavecin Hemsch...

Merci à vous, Huguette

Florence Monzani

Claude Mercier-Ythier

J’ai rencontré notre Huguette en 1962, à un moment tragique pour elle, car elle venait de perdre son frère, remarquable chirurgien.

Nous avons très vite sympathisé. Sans le savoir nous allions être les acteurs principaux de la nouvelle renaissance du clavecin. En tant que facteur de clavecin, je venais à peine d’ouvrir ma boutique au 20 rue de Verneuil, première boutique consacrée entièrement au clavecin depuis 1792. Au même moment, comme un second miracle, le microsillon venait de naître. On nous a alors demandé de nombreux instruments pour assurer des enregistrements et des émissions de radio. Huguette Dreyfus était l’étoile montante vers qui beaucoup d’éditeurs se penchaient. Auparavant, quelques artistes s’étaient déjà intéressés à cet instrument : Roggero Gerlin, Robert Veyron-Lacroix, Luciano Sgrizzi, Marcelle Charbonier, Marcelle de Lacour.

C’est alors qu’un événement très important nous est arrivé, avec la création des cours de musique ancienne à Saint-Maximin, un couvent dans le Midi de la France où se trouve un orgue extraordinaire. Un garçon devait enseigner à cet endroit : Louis Saguer. Malheureusement, entre temps, on lui avait demandé d’assurer une grande série de concerts en Argentine. L’organisateur, le Dr Pierre Rochas, qui était à l’initiative de cet académie, a donc cherché à tout prix un remplaçant. Je l’ai alors accompagné chez Huguette Dreyfus qui a tout de suite pris ces cours en main, sans savoir que nous allions rester près de 18 ans dans cet endroit, tous les étés. Huguette a été une pédagogue hors pair, avec une réputation internationale.

Pendant ce temps, Huguette enregistrait une quantité des disques chez différents labels : Valois, Philips, Denon, Archiv produktion, offrant ainsi des archives extraordinaires pour les nouvelles générations. J’étais fier d’avoir rencontré Huguette. Nous avons travaillé 45 ans ensemble, et fait le tour de France. Combien de gens ont découvert le clavecin grâce à ces tournées ? Combien de beaux endroits nous avons vu (des châteaux, des couvents) ? Dans certains endroits, c’était pour la première fois que les français découvraient cet instrument. Combien de beaux instruments avons nous découvert avec Huguette dans des lieux fabuleux ? Et combien d’artistes inconnus, compositeurs des temps passés, a-t-elle fait revivre ? C’était une femme qui avait une volonté d’acier : je l’ai vu donner un concert à Saint-Paul-de-Vence avec une fièvre épouvantable. Elle n’a pas cédé. Elle avait signé un contrat. Elle se devait de jouer le concert.

Il y aura toujours un avant Huguette et un après Huguette Dreyfus. Merci à elle de m’avoir fait une telle confiance.

Merci Huguette.

Claude Mercier-Ythier

Richard Lowry

Une très grande dame vient de nous quitter et laisse un vide énorme. La
contribution d’Huguette Dreyfus à la vie artistique et pédagogique
continuera à rayonner sur la France pour toujours. En guise de consolation,
je garderai le souvenir de son sourire.
Adieu, Chère Huguette !

Richard Lowry

Marie van Rhijn

Un grand merci Huguette.

La Visionnaire

Tu t’en vas, frêle embarcation, fuyant le réel
Audacieuse petite barque ronde !
Penchée vers la corde la plus tendue de l’humide infini
Souillé seul par l ‘écume fumante noire
Serait-ce dans le silence alourdi des rêves
Que tu cherches l’alchimie de tes mots ?

Tu t’éloignes, silhouette glissant souplement à la surface de l’eau ;
Ombre errante, posée au bord du monde,
Taquinée par les riantes vagues grises, étourdie,
Psalmodiant leurs regrets sonores
Dans le mystère d’une litanie
à l’orgue, mélismes moirés des jeux

Tu fends les espaces silencieux des ténèbres
Soudain un éclair blanc chagrine l’onde
Dans sa douleur le ciel ouvert crie,
Sur la mer inégale à l’étreinte salée tu courbes,
Légère balançoire téméraire dans la furie des flots
Tu restes cette fois sans mot.

Je sens la pâle illusion du verbe trompeur
L’écho d’un luth mélancolique et ma page pensive se répondent
Petite voix modulant en mineur
des airs d’infini Avec des lettres orphelines tu veux dire
Le langage défait et la parole inaudible
La fantaisie du passager et la muse naissante enfantine.

Tu entends le rire en trilles d’une mouette qui te suit,
Trépignant dans l’immensité profonde,
Fragile miniature flottante qui a frôlé l’assoupie !
Ayant capturé la fulgurance d’un son neuf
Tu te fraies dans l’instant un passage vers l’imaginaire séduisant
De contrastes et d’émotions qui te touchent.

Bon voyage.

Marie van Rhijn

Gilbert Amy

J’apprends avec tristesse le décès de cette très grande dame du clavecin, dont j’admirais la personnalité toute en force et en douceur et son intelligence clairvoyante. Comme directeur du CNSMD de Lyon, je l’ai côtoyée pendant de nombreuses années et nos échanges furent marqués par la cordialité et l’intérêt réciproque pour le renouveau de l’étude de la Musique Baroque, au cours des années 80. Je n’oublie pas qu’Huguette Dreyfus, bien qu’interprète hors pair de la musique de J.S.Bach était ouverte aux expressions contemporaines et encourageait ses étudiants à s’en approcher. Je garde précieusement en mémoire nos conversations et notre travail en commun tout au long de la « construction » du CNSMD de Lyon pour le grand bienfait de la Musique.

Gilbert Amy
Compositeur
Directeur du CNSMD de Lyon (de 1984 à 2000)

Richard Siegel

J’ai vu Huguette pour la dernière fois il n’y a pas longtemps. Elle était diminuée physiquement, mais elle avait toujours autant d’esprit, sa bonne humeur, son enthousiasme. Elle m’a régalé des histoires de sa vie et de sa carrière — sans parler d’un excellent gâteau au chocolat — et nous avons comme souvent bien ri.

Nous avons aussi passé un moment plus personnel. J’ai parlé de ce que je lui devais depuis environ 45 ans, et je lui ai rappelé surtout ses deux phrases d’encouragement que je n’oublierai jamais : que si dans un concert on arrivait à toucher ne serait-ce qu’une personne, tout le travail de préparation était justifié et avait un sens, et que si, avec des heures de dévouement et autant de frustrations on arrivait à toucher et à inspirer ne serait-ce qu’un seul élève, cela en valait la peine.

Pensons à tout ceux qu’elle a elle-même touchés, et inspirés, à tout ce qu’elle a eu comme satisfactions, et soyons heureux pour elle.

Richard Siegel

Renaud Digonnet

Huguette a eu une vie riche et bien remplie...

Ce que je retiens d’elle est une grande générosité et un goût musical très sûr...

Elle a amplement contribué à la redécouverte du clavecin en France et à l’étranger, ne cédant jamais aux phénomènes de modes superficiels et vains ni aux polémiques attachés à ceux-ci. C’était une grande musicienne amoureuse de la vie qui révélait la profondeur des œuvres et jamais aguicheuse dans ses interprétations.
Comme le dit Olivier Papillon, elle joue et chante maintenant avec les anges pour toujours...

Renaud Digonnet

Yves-Marie Deshays

Merci, Huguette !

C’est en 1969 à St Maximin — où les Académies de Musique Française réunissaient chaque été pendant trois semaines des organistes (autour de l’instrument d’Isnard, avec Xavier DARASSE et André STRICKER), des flûtistes (autour de Christian LARDÉ) et des clavecinistes (autour d’Huguette DREYFUS) — que j’ai eu le privilège de rencontrer Huguette pour la première fois…

D’autres, dans ces colonnes, ont déjà évoqué l’éminente artiste et humaniste que nous avons tous aimée, admirée, vénérée et que nous honorons aujourd’hui par nos témoignages.

Qu’il me soit donc permis de glisser ici une petite anecdote qui illustre le sens de l’humour dont jouissait aussi Huguette :

Après un concert à St Maximin au cours duquel s’était produit le corniste Georges BARBOTEU, j’avais fait courir le bruit selon lequel Huguette, qui se destinait d’abord au cor d’harmonie, ne s’était reconvertie au clavecin que parce qu’elle manquait de souffle… Plusieurs élèves avaient alors demandé à notre professeur de leur expliquer cette reconversion. Imperturbable et jouant le jeu à fond, Huguette n’avait pas démenti… jusqu’au moment où on a enfin découvert qu’il s’agissait d’un canular !

Pour toutes ces leçons de savoir, de savoir-faire, de savoir-vivre et de savoir-être que vous nous avez dispensées, MERCI, HUGUETTE !

Désormais, « la musique et le silence suppléent où balbutie le verbe »…

Yves-Marie DESHAYS

Christophe Rousset

Huguette Dreyfus la flamme jusqu’au bout

On ne saurait trouver de meilleure comparaison pour cette magnifique interprète et pédagogue qui vient de nous quitter que dans le protagoniste féminin du film de Michael Haneke, Amour (2012), incarné par Emmanuelle Riva. Une dame d’un certain âge, pleine de classe, de tendresse, de générosité, dans un bel appartement parisien un peu muséifié, elle reçoit pour le thé la visite d’un ancien élève (l’admirable Alexandre Tharaud) : que de fois me suis-je trouvé reçu chez Huguette, lui apportant humblement mon dernier CD, partageant un petit goûter, échangeant des anecdotes ! Huguette Dreyfus fut un professeur exemplaire dans ses méthodes, dans l’éthique qu’elle a transmis à ses disciples, dans l’inspiration enthousiasmante qu’elle a toujours su communiquer, nourrie par une flamme qui n’a jamais faibli. Elle préférait enseigner en cours collectifs, provoquant, comme lors d’une messe, une ferveur, une dévotion au maître de la part de ses élèves qui a perduré en chacun de nous qui l’avons fréquentée à la Schola cantorum, à Bobigny, à Lyon, ou en masterclass à St Maximin ou à Villecroze. Elle a laissé en nous une impression durable car elle était avant tout une superbe claveciniste qui jouait le 5ème Brandebourgeois de Bach ou enchaînait les sonates de Scarlatti, se jouant des pièges techniques par des éclats de rire. « Faites ce que je dis, pas ce que je fais » était une formule qu’elle aimait à répéter, dans l’humilité qui la caractérisait. Nous nous souvenons aussi tous de son amour pour les animaux, en particulier pour les chiens, celui de sa chère cousine Nicole avant tout évidemment, mais aussi pour les éléphants (!) curieuse affection qui a généré une non moins curieuse collection d’objets hétéroclites au milieu de ses œuvres d’art et de ses instruments inestimables. Elle possédait un clavecin original du début du XVIIIe signé Nicolas Blanchet alors que tous ses collègues s’emmêlaient encore les pieds dans les innombrables pédales de leur monstrueux Neupert modèle Bach, elle a étudié les manuscrits et éditions originales des grands maîtres français du XVIIe, comme Chambonnières ou Louis Couperin, joué et enregistré le forte-piano avant tous ses collègues. Et son souci de transmettre son savoir et son expérience, mais aussi son affection est sans doute ce qui provoque le plus aujourd’hui en tous ses élèves le sentiment d’être des orphelins. Elle nous manque déjà cruellement pour ses yeux si prompts à l’ironie, pour son oreille toujours généreusement tournée vers autrui, pour son cœur qui s’est ouvert largement à ses élèves du Japon au Brésil, et qu’elle laisse remplis de gratitude et de respect.… et aujourd’hui de tristesse.

Christophe Rousset

Pascale Vollant

Huguette Dreyfus a été très importante dans ma vie ! Beaucoup d’enthousiasme, de talent extraordinaire, d’amour, d’intelligence... elle aimait rire... mais je suis triste. Au revoir Huguette !

Pascale VOLLANT

Anne-Marie Beckensteiner-Paillard

HUGUETTE DREYFUS, cette grande dame du clavecin, vient de nous quitter ! Beaucoup d’hommages lui sont rendus et bien sûr je me joins à tous ceux qui l’ont aimée !

J’ai la chance d’être de sa génération, son aînée de 4 ans et je l’ai connue à l’époque de la recherche d’une découverte de l’art de toucher le clavecin !! Elève de Norbert Dufourcq et moi aussi vers 1947, nous avons rencontré une jeune élève, Jacqueline Masson, qui nous parlait du grand claveciniste italien Ruggero Gerlin qui faisait des stages à Sienne pendant 2 mois d’été, et elle nous a fortement conseillées d’y aller : inscription facile, bourses du ministère de la culture, installation confortable ; le Comte Chigi Saracini ouvrait son palais à la musique.

Les cours de Gerlin étaient passionnants et il a très vite remarqué le « toucher » d’ Huguette, sa jolie petite main ronde comme il disait et nous la montrait en exemple. Nous avons commencé par les inventions à 2 et 3 voix et la facilité d’ Huguette pour jouer avec tant d’aisance, tant de couleurs, tant de facilité dans l’expression et le phrasé mettait Gerlin au comble de la joie ; il nous la citait toujours en exemple et c’était un exemple ! Gerlin ne s’est pas contenté des inventions, très vite Scarlatti etc..... quelle école pour nous !!!! Le Comte, tout de blanc vêtu, proposait souvent des soirées musicales : Huguette était l’élève préférée et a toujours été présente ! Elle avait une soif de musique insatiable et le clavecin était vraiment « son » instrument : elle était déjà une grande claveciniste !!! à bientôt Huguette et merci.

Anne-Marie Beckensteiner-Paillard

Michel Sineux

Huguette Dreyfus à Villecroze

Je ne saurais prétendre avoir connu Huguette Dreyfus. Je n’ai fait que la rencontrer, en 1993, dans un environnement que je qualifierai de protégé où j’eus tout loisir d’apprécier, treize jours durant, ses talents de pédagogue et son engagement dans son art, tout à la fois généreux et sourcilleux, assorti d’un goût immodéré pour la transmission du savoir.

Inaugurée en 1989 par sa fondatrice Anne Gruner-Schlumberger, l’Académie musicale de Villecroze était devenue en quelques années un centre musical international de renom. En Provence, au cœur du département du Var, elle accueille en stage de perfectionnement de jeunes professionnels de haut niveau, en fin d’études ou en début de carrière, issus de tous les horizons européens ou extra-européens. Le village, qui donna son nom à l’académie, sans perdre son caractère provençal traditionnel, bénéficia de la restauration d’un jeune architecte grec, Iannis Tsiomis, et d’un aménagement interne propre à offrir aux musiciens un environnement idéal pour la concentration et le travail, dans un cadre de beauté. Tant de conditions favorables à ce point réunies, il n’est pas étonnant qu’un corps professoral d’excellence ait pu être attiré par ce lieu magique, habité, véritable petite Toscane en apesanteur dans l’espace et le temps : fidèles de longue date ou maîtres invités et périodiquement renouvelés.

Huguette Dreyfus comptait au nombre des fidèles, et c’est là qu’en août 1993 j’ai pu l’admirer, en action dans ses œuvres, mais aussi dans une intimité quotidienne de bon aloi, partageant ses repas avec les stagiaires, sans oublier le plaisir des conversations d’après-dîner, à la faveur desquelles elle nous gratifiait d’apartés musicaux impromptus, selon son bon plaisir et, bien sûr, pour le nôtre. Chez ce personnage si parfaitement délié, on appréciait tout particulièrement cette absence de solution de continuité entre sa mission pédagogique et le bonheur tout simple d’être à l’aise, en bonne compagnie. Sa mise sans chichi – ah ! ses petites robes en jersey et ses trotteurs à bride ! – invitait tout un chacun à partager une ouverture, une simplicité qui, sans même qu’elle parût s’en rendre compte, avait l’air d’une offrande. Bien sûr, sa carrière d’interprète était derrière elle, mais son naturel spontané montrait à l’envi qu’elle aurait détesté jouer les stars.

Sa relation avec ses disciples m’avait paru, de ce point de vue, exemplaire. Elle était la preuve en action que les médecines douces sont préférables aux remèdes de cheval pour faire « passer le message », sans rien concéder pour autant de l’exigence, du perfectionnisme. Bref, et tant pis si cela défrise les idolâtres de la diva, Huguette, dans son magister, n’avait rien de commun avec Elisabeth (Schwartzkopf) !

Cette année-là, elle partageait l’été des stages de l’académie avec Sena Jurinac, Gérard Caussé, Paul Meyer, le Quatuor Ysaÿe, Claude Helffer, Christian Lardé… J’ai senti là combien, parmi les représentants notoires d’une discipline, les plus grands sont souvent les plus simples. Et parmi eux, Huguette, cette étoile de première grandeur qui vient de s’éteindre, mais dont la lumière n’a pas fini de nous éclairer…

Michel Sineux

Chiao pin Kuo

Huguette , le clavecin et moi

C’est l’histoire d’une rencontre... En février 1990, je suis arrivée en France, à 23 ans. J’arrivais à dire tout juste quelque mots en français. Après deux mois beaucoup de choses me manquent terriblement : la famille, mon pays, mais aussi la musique. En avril, j’ai trouvé « le conservatoire » sur le plan de Lyon, sans savoir que c’est le Conservatoire Supérieur, sans savoir que Huguette enseigne là. J’ai demandé à l’accueil où je pourrais trouver un clavecin et un professeur. Le monsieur me dit : évidemment c’est ici. Il m’a noté gentiment sur un papier le jour , l’horaire et la salle de cours de Huguette. Il m’a dit qu’il préviendrait le professeur, et qu’à son avis il n’y aura pas de problème. Je ne sais pas son nom mais je lui dois une fière chandelle : Sans lui je n’aurais peut-être pas rencontré Huguette aussi tôt.

La semaine suivante je me présente dans la salle. Elle me demande un peu d’où je viens, ce que je fais – et vite le 1er élève est arrivé, alors elle m’a dit : mettez vous à l’aise, prenez une chaise. Je suis resté dans cette salle avec ma chaise pendant 6 heures ! Je n’ai pas osé bouger ni parler ni aller aux toilettes, par peur de les déranger, mais aussi parce que j’aime tellement le clavecin, c’est la 1re fois de ma vie que j’entend en direct ce magnifique instrument, et je n’ai pas senti le temps passer...

Les élèves s’enchainent les uns après les autres, et tout d’un coup le soleil s’est couché, il n’y a plus personne qui rentre, c’est la fin des cours. Huguette vient alors vers moi, elle me dit « voulez-vous me jouer quelque chose ? » Mon français ne me permet pas encore de m’exprimer correctement, comment lui dire que je n’ai jamais touché un clavecin, que je suis pianiste..... Je n’ai même pas de partition, ça fait deux mois que je n’ai pas touché un clavier. Comme je ne sais pas comment lui dire tout ça, je me suis installé devant cet instrument étrange. Heureusement j’ai la 5e suite française de Bach dans la tête, et je commence à jouer mouvement par mouvement . C’est une suite que je connais parfaitement par cœur mais mes doigts tombent tout de temps à côté, le clavier est si différent... Huguette ne m’a pas arrêté, elle m’a laissé joué jusqu’à la fin, et je ne savais pas où me mettre, j’ai cru mourir de honte.

Elle me dit : « Vous n’avez jamais joué de clavecin avant ? C’est la 1re fois ? » J’ai dit que oui mais sans pouvoir exprimer plus, sans pouvoir lui dire que j’ai envie d’apprendre, si je pouvais travailler avec vous ? Elle a senti que je n’arrive pas à m’exprimer, elle me comprend parfaitement. Elle m’a dit : Ma chère, malheureusement je ne peux pas te prendre dans ma classe car ici c’est un conservatoire supérieur. Aussitôt que j’entends cette phrase, j’ai des larmes dans les yeux mais je ne leur permets pas de couler. Huguette m’a serré dans ses bras, ensuite elle m’a dit : Tu vas d’abord travailler avec mon ancienne élève, elle est professeur dans l’autre conservatoire, elle est très bien, et je te promets que je te prendrai plus tard dans ma classe.

Elle a appelé tout de suite Mme Pinget, elle était professeur au CNR de Lyon. Aussi vite elle est arrivée, Huguette nous a présenté, elle a pris rendez-vous avec Mme Pinget pour moi. Huguette me redit : ne t’inquiète pas et travaille bien. C’est le jour plus important de ma vie, c’est grâce à cette grande gentillesse d’Huguette que j’ai pu commencer le clavecin avec Mme Pinget. 2 ans après je suis entrée dans sa classe - Deux ans pour lesquels je dois remercier beaucoup Mme Pinget et Françoise Lengellé, sans lesquelles je n’aurais pas eu le niveau pour entrer au CNSM.

En 1992 l’année de mon admission au CNSM de Lyon, Anne-Catherine Vinay a passé son prix. On n’a pas étudié ensemble, mais au conservatoire tout le monde parlait d’elle. A cette époque les études duraient 5 ans, mais Anne-Catherine a tout fait en seulement 3 ans. Quand j’ai entendu ça, j’ai décidé de tout faire comme elle, et d’essayer de rentrer dans mon pays le plus tôt possible. Pendant deux ans j’ai réussi à avoir toutes les UV nécessaires pour passer le certificat. J’ai alors demandé à Huguette si je peux passer mon certificat un an plus tôt. Il y a un proverbe chinois qui dit : « il ne sait pas encore marcher, et a déjà envie de s’envoler ». C’est exactement moi à l’époque. Aujourd’hui, devenue professeur, si mon élève me demandait ça, je lui ferai sévèrement la morale. Mais Huguette m’a pas du tout grondé, elle m’a juste dit : je sais que si tu veux tu arriveras à monter un programme à passer ton certificat et ensuite le diplôme. Mais ça te suffit ? Tu pense que tu auras assez appris ? Connais-tu suffisamment le répertoire ? Une fois rentrée à Taiwan, pourras-tu être un bon claveciniste ? Un bon professeur ? Ce que tu veux, c’est seulement un diplôme, ou bien devenir un bon musicien ? Je suis aussitôt revenue sur terre, une nouvelle fois j’ai eu honte de moi devant Huguette. Chez nous on dit qu’elle m’a mis un grand coup de bâton sur la tête. Je me suis réveillée. Grâce à elle, je suis devenue plus modeste, plus humble et plus sérieuse envers la musique. Cet année là Huguette a pris sa retraite.

Je me rappelle quelques phrases que Huguette nous a souvent répétées, et maintenant je les répète à mes élèves :

  • Les notes ne sont pas la musique, la musique est entre les notes.
  • Quand vous jouez une pièce, il faut que l’auditeur comprenne tout, comme si il avait la partition sous les yeux.
  • Sans respiration, la musique est morte.
  • Respirer n’est pas ralentir, ralentir n’est pas respirer. (je me rappelle encore qu’elle était tellement fâchée qu’on ralentisse, elle nous a menacé de demander au secrétariat d’écrire cette phrase en grand format sur le mur de la salle N105, menace qu’elle n’a jamais menée à exécution...)
  • Il ne suffit pas de savoir jouer, il faut vous construire une grande connaissance du répertoire du clavecin mais aussi de l’ensemble des arts.
  • Si tu es petite d’esprit , tu ne seras jamais un grande musicienne.
  • Répéter, écouter, dialoguer et sentir le compositeur parler.

Huguette, merci pour tout ce que vous nous avez donné : Merci pour votre générosité, pour votre esprit ouvert, merci d’avoir été toujours positive et optimiste. Tout cela restera gravé en moi à jamais, toute ma vie.

Chiao pin Kuo


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